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Page:Dufour - Étude sur l’esthétique de Jules Laforgue, 1904.djvu/44

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sensibilité est à cette heure, selon les états fatigants ou ménageants qu’il vient de traverser, éblouie ou en éveil, et ce n’est pas la sensibilité d’un seul organe, mais les trois sensibilités en concurrence vitale des trois fibrilles de Young. Dans ces quinze minutes, l’éclairage du paysage : le ciel vivant, les terrains, les verdures, tout cela dans le réseau immatériel de la riche atmosphère avec la vie incessamment ondulatoire de ses corpuscules invisibles réfléchissants ou réfractants, l’éclairage du paysage a infiniment varié, a vécu en un mot. »

De plus, l’attention du peintre est sollicitée et sa sensibilité altérée par des objets indifférents. — « Un exemple entre des milliards. Je vois tel violet, j’abaisse mes yeux vers ma palette pour l’y combiner, mon œil est involontairement tiré par la blancheur de ma manchette ; mon œil a changé, mon violet en souffre, etc. »

En résumé : « L’objet et le sujet sont donc irrémédiablement mouvants, insaisissables et insaisissants. Les éclairs d’identité entre le sujet et l’objet, c’est le propre du génie. Chercher à codifier les éclairs est une plaisanterie d’école. »

À ceux-là mêmes qui considèrent les toiles des impressionnistes sans prévention, avec la volonté de les comprendre et le désir d’en jouir, il est difficile de les bien apprécier. Le spectateur n’est point, ne saurait être dans l’état d’excitation où le peintre fut porté par le travail de l’œil, qui va du paysage à la palette, de la palette à la toile, qui perçoit, analyse, compare, dose, la hâte fébrile de la main, empressée à lui obéir, le raisonnement qui réduit, proportionne, calcule, juge,