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Inutile de dire que sous la terreur iroquoise le défrichement ne se fait pas en un tour de main. Il n’y a pas dix ans que les Jésuites ont subi le martyre, et les tribus huronnes la dispersion, presque l’anéantissement. En 1651, Radisson est pris à la Banlieue. En 1652, le gouverneur Duplessis-Kerbodot s’y fait tuer avec huit autres : en 1653, six cents Iroquois assiègent, trois mois, le petit fort défendu par 47 hommes, parmi lesquels Seigneuret et Sauvaget. Nos anciens « luttèrent avec un courage qui fut de ceux qui comptent dans la vie du Canada,  » et M. de Lauson n’exagérait pas l’éloge : « Sauver les Trois-Rivières, c’était sauver la Nouvelle-France. » Dollard et ses compagnons feront de même au Long-Sault, ils y mourront, et on leur dressera des monuments de bronze. Le monument de nos victorieux, c’est la ville elle-même.

En 1658, 1660 et 1663, les embuscades sont de mode au-dessus des Trois-Rivières : des colons combattent sous les ordres de M. d’Argenson près du lac Saint-Pierre, c’est-à-dire à la Pointe-du-Lac, où les Iroquois possèdent un vieux fort qui sert d’observatoire et de refuge pour dominer la navigation qui descend de Sorel.

Entre temps, Sauvaget et Seigneuret défrichent et cultivent leur petite concession, de derrière le Séminaire jusqu’à la rue Sainte-Cécile. Car il faut bien savoir que les Trois-Rivières étaient en bois debout comme le reste, et ne comptaient pas alors vingt maisons !

C’est ici qu’il faut se faire une âme antique. Certaines gens sont obligés d’y penser à deux fois pour imaginer des arbres à la place des champs et de la ville, des aulnes sur les quais, des hêtres sur le Platon, des talles de ronces dans les rues et des chaussées de castors dans les ruisseaux qui descendent du côteau. L’on ressemble aux enfants convaincus que les autos, les bateaux à vapeur et les restaurants ont toujours été là, et que M. de Laviolette a découvert la ville.

Pour bien capter l’esprit du centenaire, il faut sortir du chantier de Québec avec M. de Laviolette et ses hommes, avironner un canot versant, débarquer avec le fourniment indispensable, gravir le talus en les branches, ramasser des brindilles pour cuire le souper, coucher dehors entre les racines de pins, sur le Boule-