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nous pas ici l’emprise de la Nouvelle-France ? L’historien Parkman dit que Champlain est venu établir une mission, et les émigrés anglais faire des affaires : nous qui sommes peut-être moins apôtres et plus pratiques, ne poursuivrons-nous pas une colonisation qui est tout ensemble une mission et une affaire ? N’avancerons-nous pas vers les solitudes du nord, de l’est et de l’ouest la blanche procession de nos églises et de nos croix catholiques ? La carte de la province ne s’imprimera-t-elle pas de noms saints et français, du nord au sud, du fond de l’Abitibi à la pointe gaspésienne ? Nos forêts qui attendent des laboureurs depuis la création du monde, ne les changerons-nous pas en champs de blé, en fermes canadiennes, en paroisses catholiques ? Nous laisserons-nous devancer, distancer par l’hérésie ? Les petits-fils des défricheurs-apôtres venus de la Vendée, de la Bretagne et de la Normandie étendre le royaume de Dieu et de la France ne seront-ils plus les évangélisateurs de nos solitudes, refuseront-ils la noble mission d’offrir à Dieu l’adoration de la glèbe, les prémices des champs, et d’être

   le porte-voix en quelque sorte officiel
Par quoi le cri du sol s’échappe vers le ciel ?

Lorsque nos ancêtres, les Francs chevelus, s’établirent en Gaule, leur roi Clovis, au sortir du baptistère de Reims, voulut employer l’ardeur de ses nouveaux chrétiens à conquérir pour Dieu les riches provinces des Visigoths ariens : « Je vois avec peine que ces hérétiques possèdent les plus belles parties de la Gaule. Marchons contre eux, et avec l’aide de Dieu nous les vaincrons. »

Par ici, l’occupation catholique n’oblige point à des luttes cruelles : il nous suffit de prendre les devants, sans déposséder personne. Nos découvreurs ont les premiers