Page:Duhamel - La Vie des martyrs.djvu/32

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Lerondeau, qui était un jeune gars bien portant, fermement calé entre les manches de la charrue. Je ne connais qu’un homme couché, et j’ai même du mal à me représenter la taille et l’aspect qu’il aura quand on pourra le mettre debout…

Marie a fait très bien son devoir au feu : « Il est resté seul avec les voitures, et, quand il s’est trouvé blessé, les Allemands lui ont flanqué de grands coups de bottes »… Voilà les plus sûrs résultats de mon enquête.

Lerondeau, par moments, cesse de babiller et regarde au plafond, car c’est là qu’est le lointain et l’horizon des gens qui vivent sur le dos. Après un silence long et léger, il me regarde à nouveau et répète :

— Faut-il que j’aie eu de la bravoure pour rester seul avec les voitures !

À coup sûr, Lerondeau a eu de la bravoure, et je veux qu’on le sache. Quand il vient des étrangers, pendant le pansement, je leur montre Marie, tout prêt à gémir, et j’explique :

— C’est Marie ! Vous savez, Marie Lerondeau ! Il a la jambe cassée, mais c’est un homme qui a eu bien de la bravoure : il est resté seul avec les voitures !