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Page:Duhem - ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ.djvu/38

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nue à résoudre en mouvements simples la marche compliquée des planètes. Et d’autre part, lorsqu’ils ont examiné ces hypothèses, lorsqu’ils ont tenté d’en découvrir la véritable nature, leur vue n’a pu égaler en pénétration celle d’un Posidonius, d’un Ptolémée, d’un Proclus ou d’un Simplicius ; esclaves de l’imagination, ils ont cherché à voir et à toucher ce que les penseurs grecs avaient déclaré purement fictif et abstrait ; ils ont voulu réaliser, en des sphères solides roulant au sein des cieux, les excentriques et les épicycles que Ptolémée et ses successeurs donnaient comme artifices de calcul.

Le besoin de discuter les hypothèses astronomiques paraît, d’ailleurs, s’être développé tardivement en l’esprit des astronomes arabes. Pendant longtemps, ceux qui ont étudié l’Almageste se sont bornés à rexposer, à le résumer, à le commenter, à construire des tables qui permissent d’en appliquer les principes, mais sans examiner en aucune façon le sens et la nature des suppositions qui portent tout le système de Ptolémée. En vain chercherait-on dans les écrits d’Aboul Wéfa, d’Al-Fergani, d’Al-Battâni le moindre aperçu touchant le degré de réalité qu’il convient d’attribuer aux excentriques et aux épicycles. La Science traversait alors une de ces périodes où l’esprit de ses adeptes, pleinement adonné au soin de perfectionner les applications des théories et les méthodes d’observation, n’a ni le loisir, ni le désir de discuter la solidité des fondements mêmes de l’édifice scientifique. Au cours de son développement, elle a rencontré à plusieurs reprises de telles périodes, durant lesquelles sommeille le sens critique ; mais bientôt ce sens s’éveille à nouveau, plus ardent à discuter les principes des doctrines physiques qu’à en déduire de nouvelles conséquences.

Pour découvrir un auteur qui ait discuté la nature des mécanismes conçus par Ptolémée, il nous faut franchir un long intervalle de temps et arriver jusqu’à la fin du IXe siècle.

À cette époque, le savant et fécond astronome sabian Thâbit ibn Kourrah composa un traité dans lequel il s’efforçait d’at-