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C’est ainsi que vers 1380, Henri Heinbuch de Hesse, très savant maître ès arts et bachelier en théologie de l’Université parisienne, s’éloignait des écoles de la rue du Fouarre et des chaires de la Sorbonne pour devenir, selon le titre qui lui est souvent donné, le planteur de l’Université de Vienne (Plantator gymnasii Viennensis). Astronome autant que théologien, il orienta l’Université nouvelle selon les tendances que ses maîtres lui avaient imprimées. Acceptant sans les discuter les principes du système de Ptolémée, l’école de Vienne consacra tous ses efforts à perfectionner le détail des théories, à créer ou à développer les procédés de calcul, adresser des tables et des éphémérides, à construire des instruments, à imaginer des méthodes d’observation. Ses maîtres les plus illustres, les Georges de Peurbach et les Jean Müller de Kœnigsberg (Regiomontanus) réalisèrent au plus haut degré le type de l’homme qui excelle en chacun des détails techniques d’une science, mais à qui l’idée n’est jamais venue d’examiner la nature et la valeur des hypothèses qui portent cette science.

Tandis que les astronomes de Vienne mettaient les postulats du système de Ptolémée au nombre des vérités établies à jamais, les Averroïstes de l’École de Padoue, admirateurs fanatiques des enseignements du Commentateur, attaquaient avec frénésie les doctrines qu’il avait combattues.

Comme leur maître, les Averroïstes italiens refusaient à l’Astronomie le droit d’user d’hypothèses qui ne fussent pas conformes à la nature des choses, c’est-à-dire à la Physique du Philosophe et du Commentateur ; comme Averroès, ils déclaraient le système de Ptolémée irrecevable de ce chef ; comme Al-Bitrogi, ceux d’entre eux qui se croyaient astronomes essayaient de substituer à la théorie de l'Almageste une théorie exclusivement fondée sur l’emploi de sphères homocentriques.

Nicolas de Cues, qui avait étudié à Padoue, fit une première tentative de ce genre ; mais il eut le bon esprit de la garder secrète. Alessandro Achillini, le célèbre émule de Pomponat, n’eut garde d’imiter sa réserve. En 1494, il fit imprimer à Bologne ses Quatuor libri de orbibus ; une