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THÉORIES ABSTRAITES ET MODÈLES MÉCANIQUES

jours l’ordre qu’il faut pour les déduire les unes des autres, il n’y en peut avoir de si éloignées auxquelles enfin on ne parvienne, ni de si cachées qu’on ne découvre. »

Dans l’emploi de cette méthode si précise, si rigoureuse, quelle est la seule cause d’erreur que redoute Descartes ? L’omission, car il sent qu’il a l’esprit étroit, qu’il a peine à se figurer un ensemble complexe ; à l’égard de celle-là seule il se met en garde, il prépare une contre-épreuve, se proposant « de faire de temps en temps des dénombrements si entiers et des revues si générales qu’il soit assuré de ne rien omettre ».

Telle est cette méthode cartésienne, dont les Principes de Philosophie sont l’exacte application ; en elle, l’esprit fort et étroit a clairement exposé le mécanisme selon lequel il fonctionne.

Ouvrons maintenant le Novum Organum. N’y cherchons pas la méthode de Bacon ; il n’en a pas. L’ordonnance de son livre se réduit à une division d’une simplicité enfantine. En la Pars destruens, il invective Aristote, qui « a corrompu la philosophie naturelle avec sa dialectique et construit le monde avec ses catégories ». En la Pars ædificans, il prône la véritable philosophie ; celle-ci n’a point pour objet de construire un système clair et bien ordonné de vérités, logiquement déduites de principes assurés ; son objet est tout pratique, j’oserais dire tout industriel : « Il faut voir quel précepte, quelle direction on peut surtout désirer pour produire et faire naître sur un corps donné quelque propriété nouvelle, et l’expliquer en termes simples et le plus clairement possible. »

« Par exemple, si l’on veut donner à l’argent la cou-