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l’objet de la théorie physique

mencement, une série indéfinie de révolutions ; l’Anglais y voit une évolution continue ; Taine a montré quelle influence dominante l’esprit classique c’est-à-dire l’esprit fort, mais étroit, dont la plupart des Français sont pourvus, a eue sur l’histoire de la France ; on pourrait tout aussi justement suivre, au cours de l’histoire de l’Angleterre, la trace de l’esprit ample, mais faible, du peuple anglais[1].

Maintenant que nous avons appris à connaître, en ses diverses manifestations, la puissance à imaginer une multitude de faits concrets, jointe à l’inaptitude aux idées abstraites et générales, nous ne nous étonnerons pas que cette amplitude et cette faiblesse d’esprit aient opposé un type nouveau de théories physiques au type qu’avait conçu l’esprit fort, mais étroit ; et nous ne nous étonnerons pas non plus de voir ce type nouveau atteindre sa plénitude dans les œuvres de « cette grande École anglaise[2] de physique mathématique dont les travaux sont une des gloires du XIXe siècle ».



§ V. — La Physique anglaise et le modèle mécanique.

On trouve à chaque instant, dans les traités de Physique publiés en Angleterre, un élément qui étonne à un haut degré l’étudiant français ; cet élément, qui

  1. Le lecteur trouvera une analyse très profonde, très fine et très documentée d’un esprit anglais à la fois ample et faible dans l’ouvrage d’André Chevrillon : Sydney Smith et la renaissance des idées libérales en Angleterre au XIXe siècle, Paris, 1894.
  2. O. Lodge : Les Théories modernes de l’Électricité. Essai d’une théorie nouvelle. Traduit de l’anglais et annoté par E. Meylan, p. 3, Paris, 1891.