Page:Duhem - La Théorie physique, 1906.djvu/119

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
109
théories abstraites et modèles mécaniques

accompagne presque invariablement l’exposé d’une théorie, c’est le modèle. Rien ne fait mieux saisir la façon, bien différente de la nôtre, dont procède l’esprit anglais dans la constitution de la science, que cet usage du modèle.

Deux corps électrisés sont en présence ; il s’agit de donner une théorie de leurs attractions ou de leurs répulsions mutuelles. Le physicien français ou allemand, qu’il se nomme Poisson ou Gauss, place par la pensée, dans l’espace extérieur à ces corps, cette abstraction qu’on nomme un point matériel, accompagnée de cette autre abstraction qu’on nomme une charge électrique ; il cherche alors à calculer une troisième abstraction, la force à laquelle le point matériel est soumis ; il donne des formules qui, pour chaque position possible de ce point matériel, permettent de déterminer la grandeur et la direction de cette force ; de ces formules, il déduit une série de conséquences ; il montre notamment qu’en chaque point de l’espace la force est dirigée suivant la tangente à une certaine ligne, la ligne de force ; que toutes les lignes de force traversent normalement certaines surfaces dont il donne l’équation, les surfaces d’égal niveau potentiel ; qu’elles sont, en particulier, normales aux surfaces des deux conducteurs électrisés, qui figurent au nombre des surfaces d’égal niveau potentiel ; il calcule la force à laquelle est soumis chaque élément de ces deux surfaces ; enfin il compose toutes ces forces élémentaires selon les règles de la Statique ; il connaît alors les lois des actions mutuelles des deux corps électrisés.

Toute cette théorie de l’Électrostatique constitue un ensemble de notions abstraites et de propositions