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l’objet de la théorie physique

L’Anglais, au contraire, trouve l’usage du modèle tellement nécessaire à l’étude de la Physique que, pour lui, la vue du modèle finit par se confondre avec l’intelligence même de la théorie. Il est curieux de voir cette confusion formellement acceptée et proclamée par celui-là même qui est, aujourd’hui, la plus haute expression du génie scientifique anglais, par celui qui, longtemps illustre sous le nom de William Thomson, a été élevé à la pairie avec le titre de lord Kelvin.

« Mon objet, dit W. Thomson en ses Leçons de Dynamique moléculaire[1], est de montrer comment on peut, en chacune des catégories de phénomènes physiques que nous avons à considérer, et quels que soient ces phénomènes, construire un modèle mécanique qui remplisse les conditions requises. Lorsque nous considérons les phénomènes d’élasticité des solides, nous éprouvons le besoin de présenter un modèle de ces phénomènes. Si, à un autre moment, nous avons à considérer les vibrations de la lumière, il nous faut un modèle de l’action qui se manifeste en ces effets. Nous éprouvons le besoin de rattacher à ce modèle notre compréhension de l’ensemble. Il me semble que le vrai sens de cette question : Comprenons-nous ou ne comprenons-nous pas tel sujet de Physique ? est celui-ci : Pouvons-nous construire un modèle mécanique correspondant ? J’ai une extrême admiration pour le modèle mécanique de l’induction électromagnétique qui est

  1. W. Thomson : Lectures on molecular Dynamics, and the Wawe-Theory of Light. John Hopkins University, Baltimore, 1884, p. 131. Voir aussi : Sir W. Thomson (lord Kelvin) ;  : Conférences scientifiques et allocutions, trad. par P. Lugol et annotées par M. Brillouin : Constitution de la matière, Paris, 1893.