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théories abstraites et modèles mécaniques

admiré, comme une œuvre de génie, par Maxwell et par l’École anglaise tout entière.

L’emploi de semblables modèles mécaniques, rappelant, par certaines analogies plus ou moins grossières, les particularités de la théorie qu’il s’agit d’exposer, est constant dans les traités de Physique anglais ; les uns en font seulement un usage modéré ; d’autres, au contraire, font appel à chaque instant à ces représentations mécaniques. Voici un livre[1] destiné à exposer les théories modernes de l’électricité, à exposer une théorie nouvelle ; il n’y est question que de cordes qui se meuvent sur des poulies, qui s’enroulent autour de tambours, qui traversent des perles, qui portent des poids ; de tubes qui pompent de l’eau, d’autres qui s’enflent et se contractent ; de roues dentées qui engrènent les unes les autres, qui entraînent des crémaillères ; nous pensions entrer dans la demeure paisible et soigneusement ordonnée de la raison déductive ; nous nous trouvons dans une usine.

Bien loin que l’usage de semblables modèles mécaniques facilite l’intelligence d’une théorie à un lecteur français, il faut au contraire à celui-ci, dans bien des cas, un effort sérieux pour saisir le fonctionnement de l’appareil, parfois très compliqué, que l’auteur anglais lui décrit, pour reconnaître des analogies entre les propriétés de cet appareil et les propositions de la théorie qu’il s’agit d’illustrer ; cet effort est souvent beaucoup plus grand que celui dont le Français a besoin pour comprendre dans sa pureté la théorie abstraite que le modèle prétend incarner.

  1. O. Lodge : Op. cit., passim.