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théories abstraites et modèles mécaniques

ment parliculier, il n’impose pas au corps même de la théorie une physionomie spéciale ; dépouillant ce vêtement, on pourrait aisément habiller cette théorie à la mode de l’algèbre classique.

Or, dans bien des cas, ce changement d’habit ne suffirait nullement à déguiser l’origine anglaise d’une théorie de physique mathématique, à la faire prendre pour une théorie française ou allemande ; il permettrait, au contraire, de reconnaître que, dans la construction d’une théorie physique, les Anglais n’attribuent pas toujours aux mathématiques le même rôle que les savants continentaux.

Pour un Français ou pour un Allemand, une théorie physique est essentiellement un système logique ; des déductions parfaitement rigoureuses unissent les hypothèses sur lesquelles repose la théorie aux conséquences que l’on en peut tirer et que l’on se propose de comparer aux lois expérimentales ; si le calcul algébrique intervient, c’est seulement pour rendre moins lourde et plus maniable la chaîne de syllogismes qui doit relier les conséquences aux hypothèses ; mais en une théorie sainement constituée, ce rôle purement auxiliaire de l’algèbre ne doit jamais se laisser oublier ; il faut que l’on sente à chaque instant la possibilité de remplacer le calcul par le raisonnement purement logique dont il est l’expression abrégée ; et, pour que cette substitution puisse se faire d’une manière précise et sûre, il faut qu’une correspondance très exacte et très rigoureuse ait été établie entre les symboles, les lettres que combine le calcul algébrique et les propriétés que mesure le physicien, entre les équations fondamentales qui ser-