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l’objet de la théorie physique

mode de Londres ; parmi ceux qui déclarent la Physique de Maxwell et de Thomson préférable à la Physique jusqu’ici classique en notre pays, combien n’ont qu’un motif à invoquer : elle est anglaise !

D’ailleurs, l’admiration bruyante pour la méthode anglaise est, pour beaucoup, un moyen de faire oublier combien ils sont peu aptes à la méthode française, combien il leur est difficile de concevoir une idée abstraite, de suivre un raisonnement rigoureux ; privés de force d’esprit, ils tentent, en prenant les allures des esprits amples, de faire croire qu’ils possèdent l’amplitude intellectuelle.

Ces causes, cependant, n’auraient peut-être pas suffi à assurer la vogue dont jouit aujourd’hui la Physique anglaise, si les exigences de l’industrie ne s’y étaient jointes.

L’industriel est très souvent un esprit ample ; la nécessité de combiner des mécanismes, de traiter des affaires, de manier des hommes, l’a, de bonne heure, habitué à voir clairement et rapidement des ensembles compliqués de choses concrètes. En revanche, c’est presque toujours un esprit très faible ; ses occupations quotidiennes le tiennent éloigné des idées abstraites et des principes généraux ; peu à peu, les facultés qui constituent la force d’esprit se sont atrophiées en lui, comme il arrive à des organes qui ne fonctionnent plus. Le modèle anglais ne peut donc manquer de lui apparaître comme la forme de théorie physique la mieux appropriée à ses aptitudes intellectuelles.

Naturellement, il désire que la Physique soit exposée sous cette forme à ceux qui auront à diriger des ateliers et des usines. D’ailleurs, le futur ingénieur