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l’objet de la théorie physique

sition de l’une des théories a son homologue en l’autre ; tout problème résolu en la première pose et résout un problème semblable en la seconde. De ces deux théories, chacune peut, selon le mot employé par les Anglais, servir à illustrer l’autre : « Par analogie physique, dit Maxwell[1], j’entends cette ressemblance partielle entre les lois d’une science et les lois d’une autre science qui fait que l’une des deux sciences peut servir à illustrer l’autre. »

De cette illustration mutuelle de deux théories, voici un exemple entre beaucoup d’autres :

L’idée du corps chaud et l’idée du corps électrisé sont deux notions essentiellement hétérogènes ; les lois qui régissent la distribution des températures stationnaires sur un groupe de corps bons conducteurs de la chaleur et les lois qui fixent l’état d’équilibre électrique sur un ensemble de corps bons conducteurs de l’électricité ont des objets physiques absolument différents ; cependant, les deux théories qui ont pour mission de classer ces lois s’expriment en deux groupes d’équations que l’algébriste ne saurait distinguer l’un de l’autre ; aussi, chaque fois qu’il résout un problème sur la distribution des températures stationnaires, il résout par le fait même un problème d’électrostatique, et inversement.

Or, une telle correspondance algébrique entre deux théories, une telle illustration de l’une par l’autre est chose infiniment précieuse ; non seulement elle comporte une notable économie intellectuelle, puisqu’elle permet de transporter d’emblée à l’une des théories tout l’appareil algébrique construit pour l’autre ;

  1. J.-Clerk Maxwell : Scientific Papers, vol. I, p. 156.