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la structure de la théorie physique

intensité ne résulte en aucune manière de plusieurs qualités de même espèce et d’intensité moindre. Chaque intensité d’une qualité a ses caractères propres, individuels, qui la rendent absolument hétérogène aux intensités moins élevées ou aux intensités plus élevées. Une qualité d’une certaine intensité ne contient pas, à titre de partie intégrante, la même qualité portée à une moindre intensité ; elle n’entre pas, à titre de partie, dans la composition de la même qualité rendue plus intense. L’eau bouillante est plus chaude que l’alcool bouillant, et celui-ci plus chaud que l’éther bouillant ; mais ni le degré de chaleur de l’alcool bouillant, ni le degré de chaleur de l’éther bouillant ne sont des parties du degré de chaleur de l’eau bouillante. Celui qui dirait que la chaleur[1] de l’eau bouillante est la somme de la chaleur de l’alcool bouillant et de la chaleur de l’éther bouillant, énoncerait un non-sens. Diderot demandait plaisamment combien il fallait de boules de neige pour chauffer un four ; la question n’est embarrassante que pour qui confond qualité et quantité.

Ainsi, dans la catégorie de la qualité, on ne rencontre rien qui ressemble à la formation d’une grande quantité au moyen de petites quantités qui en soient les parties ; on ne trouve aucune opération, à la fois commutative et associative, qui puisse mériter le nom d’addition et être représentée par le signe  ; partant, sur la qualité, la mesure, issue de la notion d’addition, ne saurait avoir prise.

  1. Il est bien entendu que nous prenons ici le mot chaleur au sens du langage courant, sens qui n’a rien de commun avec celui que les physiciens attribuent au mot quantité de chaleur.