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la structure de la théorie physique

à condamner cette illusion. Nos efforts devront donc tendre à l’éviter.



§ II. — Une qualité première est une qualité irréductible en
fait, non en droit.

D’ailleurs, contre ce travers d’esprit qui consiste à mettre dans les corps autant de qualités distinctes, ou peu s’en faut, qu’il y a d’effets divers à expliquer, nos principes mêmes nous mettent en garde. Nous nous proposons de donner d’un ensemble de lois physiques une représentation aussi simplifiée, aussi résumée que possible ; notre ambition est d’atteindre l’économie intellectuelle la plus complète que nous puissions réaliser ; il est donc clair que pour construire notre théorie, nous devrons employer le nombre minimum de notions regardées comme premières, de qualités regardées comme simples ; nous devrons pousser jusqu’au bout la méthode d’analyse et de réduction qui dissocie les propriétés complexes, celles que les sens saisissent tout d’abord, et qui les ramène à un petit nombre de propriétés élémentaires.

Comment reconnaîtrons-nous que notre dissection a été poussée jusqu’au bout, que les qualités auxquelles notre analyse aboutit ne peuvent plus être, à leur tour, résolues en qualités plus simples ?

Les physiciens qui cherchaient à construire des théories explicatives tiraient des préceptes philosophiques auxquels ils se soumettaient, des pierres de touche et des réactifs capables de reconnaître si l’analyse d’une propriété avait pénétré jusqu’aux éléments. Par