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la structure de la théorie physique

nouvelle qualité première, à introduire dans ses théories un nouveau symbole mathématique.

« Toutes les fois que l’on découvre un fait exceptionnel, écrit H. Sainte-Claire Deville[1], décrivant les hésitations de sa pensée lorsqu’il eut reconnu les premiers phénomènes de dissociation, le premier travail, je dirai presque le premier devoir imposé à l’homme de science, est de faire tous ses efforts pour le faire rentrer dans la règle commune par une explication qui exige quelquefois plus de travail et de méditation que la découverte elle-même. Quand on réussit, on éprouve une bien vive satisfaction à étendre, pour ainsi dire, le domaine d’une loi physique, à augmenter la simplicité et la généralité d’une grande classification… »

« Mais quand un fait exceptionnel échappe à toute explication ou, du moins, résiste à tous les efforts que l’on a faits consciencieusement pour le soumettre à la loi commune, il faut en chercher d’autres qui lui soient analogues ; quand on les a trouvés, il faut les classer provisoirement au moyen de la théorie qu’on s’est formée. »

Lorsqu’Ampère découvrit les actions mécaniques qui s’exercent entre deux fils électriques dont chacun réunit les deux pôles d’une pile, on connaissait depuis longtemps les actions attractives et répulsives qui s’exercent entre les conducteurs électrisés ; la qualité que ces attractions et ces répulsions manifestent avait été analysée ; elle avait été représentée par un symbole mathématique approprié, la charge positive ou négative de chaque élément matériel ; l’emploi de ce

  1. H. Sainte-Claire Deville : Recherches sur la décomposition des corps par la chaleur et la dissociation. Bibliothèque Universelle, Archives, nouvelle période, t. IX, p. 59 ; 1860.)