Page:Duhem - La Théorie physique, 1906.djvu/237

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
227
déduction mathématique et théorie physique

On saura très certainement, en particulier, si le mobile doit demeurer toujours à distance finie ou s’il s’éloignera indéfiniment pour ne plus jamais revenir.

Il en sera tout autrement si les conditions initiales sont données non point mathématiquement, mais pratiquement ; la position initiale de notre point matériel sera non plus un point déterminé sur la surface, mais un point quelconque pris à l’intérieur d’une petite tache ; la direction de la vitesse initiale ne sera plus une droite définie sans ambiguïté, mais une quelconque des droites que comprend un étroit faisceau dont le contour de la petite tache forme le lien ; à nos données initiales pratiquement déterminées correspondra pour le géomètre une infinie multiplicité de données initiales différentes.

Imaginons que certaines de ces données géométriques correspondent à une ligne géodésique qui ne s’éloigne pas à l’infini, par exemple, à une ligne géodésique qui tourne sans cesse autour de la corne droite. La Géométrie nous permet d’affirmer ceci : Parmi les données mathématiques innombrables qui correspondent aux mêmes données pratiques, il en est qui déterminent une géodésique s’éloignant indéfiniment de son point de départ ; après avoir tourné un certain nombre de fois autour de la corne droite, cette géodésique s’en ira à l’infini soit sur la corne droite, soit sur la corne gauche, soit sur l’oreille droite, soit sur l’oreille gauche. Il y a plus ; malgré les limites étroites qui resserrent les données géométriques capables de représenter nos données pratiques, on peut toujours prendre ces données géométriques de telle sorte que la géodésique s’éloigne sur celle des nappes infinies que l’on aura choisie d’avance.