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la structure de la théorie physique

une précision mathématique, la position et la vitesse de chacun des astres qui composent le système, on peut affirmer que chaque astre suit, à partir de cet instant, une trajectoire parfaitement définie ; la détermination effective de cette trajectoire peut opposer aux efforts des géomètres des obstacles qui sont loin d’être levés ; il est permis, toutefois, de supposer qu’un jour viendra où ces obstacles seront renversés.

Dès lors, le géomètre peut se poser la question suivante : Les positions et les vitesses des astres qui composent le système solaire étant ce qu’elles sont aujourd’hui, ces astres continueront-ils tous et indéfiniment à tourner autour du soleil ? N’arrivera-t-il pas au contraire qu’un de ces astres finisse par s’écarter de l’essaim de ses compagnons pour aller se perdre dans l’immensité ? Cette question constitue le problème de la stabilité du système solaire, que Laplace avait cru résoudre, dont les efforts des géomètres modernes et, en particulier, de M. Poincaré, ont surtout montré l’extrême difficulté.

Pour le mathématicien, le problème de la stabilité du système solaire a assurément un sens, car les positions initiales des astres et leurs vitesses initiales sont, pour lui, des éléments connus avec une précision mathématique. Mais, pour l’astronome, ces éléments ne sont déterminés que par des procédés physiques ; ces procédés comportent des erreurs que les perfectionnements apportés aux instruments et aux méthodes d’observation réduisent de plus en plus, mais qu’ils n’annuleront jamais. Il se pourrait, dès lors, que le problème de la stabilité du système solaire fût, pour l’astronome, une question dénuée de tout sens ; les données pra-