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la structure de la théorie physique

faits concrets d’une infinité de manières différentes, parce que tous ces faits disparates admettent la même interprétation théorique.

M. H. Poincaré sait[1] que l’on peut faire cette objection à la doctrine qu’il soutient ; voici comment il l’expose[2] et comment il y répond :

« N’allons pas trop vite, cependant. Pour mesurer un courant, je puis me servir d’un très grand nombre de types de galvanomètres ou encore d’un électrodynamomètre. Et alors quand je dirai : il règne dans ce circuit un courant de tant d’ampères, cela voudra dire : si j’adapte à ce circuit tel galvanomètre, je verrai le spot venir à la division  ; mais cela voudra dire également : si j’adapte à ce circuit tel électrodynamomètre, je verrai le spot venir à la division . Et cela voudra dire encore beaucoup d’autres choses, car le courant peut se manifester non seulement par des effets mécaniques, mais par des effets chimiques, thermiques, lumineux, etc. »

« Voilà donc un énoncé qui convient à un très grand nombre de faits bruts absolument différents. Pourquoi ? C’est parce que j’admets une loi d’après laquelle toutes les fois que tel effet mécanique se produira, tel effet chimique se produira de son côté. Des expériences antérieures très nombreuses ne m’ont jamais montré cette loi en défaut, et alors je me suis rendu

  1. Il n’y a d’ailleurs pas lieu de s’en étonner si l’on observe que la doctrine précédente a été publiée par nous, en des termes presque identiques, dès 1894, tandis que l’article de M. Poincaré a paru en 1902 ; en comparant nos deux articles, on pourra se convaincre qu’en ce passage M. H. Poincaré combat notre manière de voir tout autant que celle de M. Le Roy.
  2. Loc. cit., 270.