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l’expérience de physique

aspect dans les deux cas, mais qu’il paraissait, dans le second, plus grand que dans le premier ; dès lors, si la loupe leur fait voir un objet que l’œil nu ne percevait pas, une généralisation toute spontanée, jaillie du sens commun, leur permet d’affirmer que cet objet a été grossi par la loupe au point d’être rendu visible, mais qu’il n’a été ni créé, ni déformé par la lentille de verre. Les jugements spontanés du sens commun suffisent ainsi à justifier l’emploi qu’ils font de la loupe au cours de leurs observations ; les résultats de ces observations ne dépendront en aucune façon des théories de la Dioptrique.

L’exemple choisi est emprunté à l’un des instruments les plus simples et les plus grossiers de la Physique ; néanmoins, est-il bien vrai que l’on puisse user de cet instrument sans faire aucun appel aux théories de la Dioptrique ? Les objets vus à la loupe paraissent cernés des couleurs de l’arc-en-ciel ; n’est-ce pas la théorie de la dispersion qui nous apprend à regarder ces couleurs comme créées par l’instrument, à en faire abstraction lorsque nous décrivons l’objet observé ? Et combien cette remarque devient plus grave s’il s’agit non plus d’une simple loupe, mais d’un microscope puissant ! À quelles singulières erreurs on s’exposerait parfois si l’on attribuait naïvement aux objets observés la forme et la couleur que l’instrument nous révèle ; si une discussion, tirée des théories optiques, ne nous permettait de faire la part des apparences et la part des réalités !

Cependant, avec ce microscope destiné à la description purement qualitative d’objets concrets très petits, nous sommes encore bien loin des instruments qu’em-