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la structure de la théorie physique

ploie le physicien ; les expériences combinées au moyen de ces instruments ne doivent pas aboutir à un récit de faits réels, à une description d’objets concrets, mais à une évaluation numérique de certains symboles créés par les théories.

Voici, par exemple, l’instrument qu’on appelle une boussole des tangentes. Sur un cadre circulaire s’enroule un fil de cuivre entouré de soie ; au centre du cadre, un petit barreau d’acier aimanté est suspendu par un fil de cocon ; une aiguille d’aluminium, portée par ce barreau, se meut sur un cercle divisé en degrés et permet de repérer avec précision l’orientation du barreau. Si les deux extrémités du fil de cuivre sont mises en relation avec les pôles d’une pile, l’aimant subit une déviation que nous pouvons lire sur le cercle divisé ; elle est, par exemple, de 30°.

La simple constatation de ce fait n’implique aucune adhésion aux théories physiques ; mais elle ne suffit pas non plus à constituer une expérience de Physique ; le physicien, en effet, ne se propose pas de connaître la déviation éprouvée par l’aimant, mais bien de mesurer l’intensité du courant qui traverse le fil de cuivre.

Or, pour calculer la valeur de cette intensité d’après la valeur, 30°, de la déviation observée, il faut reporter cette dernière valeur dans une certaine formule. Cette formule est une conséquence des lois de l’Électromagnétisme ; pour qui ne regarderait pas comme exacte la théorie électromagnétique de Laplace et d’Ampère, l’emploi de cette formule, le calcul qui doit faire connaître l’intensité du courant, seraient de véritables non-sens.