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la structure de la théorie physique

toutes ces corrections ont pour effet d’accroître la précision de l’expérience.

Le physicien qui, par des corrections, complique la représentation théorique des faits observés pour permettre à cette représentation de serrer de plus près la réalité, est semblable à l’artiste qui, après avoir achevé un dessin au trait, y ajoute des ombres pour mieux exprimer sur une surface plane le relief du modèle.

Celui qui ne verrait dans les expériences de Physique que des constatations de faits ne comprendrait pas le rôle que les corrections jouent dans ces expériences ; il ne comprendrait pas davantage ce qu’on entend en parlant des erreurs systématiques que comporte une expérience.

Laisser subsister, dans une expérience, une cause d’erreur systématique, c’est omettre une correction qui pourrait être faite et qui accroîtrait la précision de l’expérience ; c’est se contenter d’une image théorique trop simple alors qu’on pourrait lui substituer une image plus compliquée, mais représentant mieux la réalité ; c’est se contenter d’une esquisse au trait, alors que l’on pourrait faire un dessin ombré.

Dans ses expériences sur la compressibilité des gaz, Regnault avait laissé subsister une cause d’erreur systématique qu’il n’avait pas aperçue et qui a été signalée depuis ; il avait négligé l’action de la pesanteur sur le gaz soumis à la compression. Qu’entend-on dire lorsqu’on reproche à Regnault de n’avoir pas tenu compte de cette action, d’avoir omis cette correction ? Veut-on dire que ses sens l’ont trompé alors qu’il observait les phénomènes produits sous ses yeux ?