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l’expérience de physique

Un aide de Regnault lui donne la hauteur de la colonne de mercure contenue dans un manomètre ; Regnault la corrige ; est-ce qu’il soupçonne son aide d’avoir mal vu, de s’être trompé dans ses lectures ? Non ; il a pleine confiance dans les observations qui ont été faites ; s’il n’avait pas cette confiance, il ne pourrait pas corriger l’expérience ; il ne pourrait que la recommencer. Si donc, à cette hauteur déterminée par son aide, Regnault en substitue une autre, c’est en vertu d’opérations intellectuelles destinées à rendre moins disparates entre eux le manomètre idéal, symbolique, qui n’existe qu’en sa raison et auquel s’appliquent ses calculs, et le manomètre réel, en verre et en mercure, qui se dresse devant ses yeux et sur lequel son aide fait des lectures. Regnault pourrait représenter ce manomètre réel par un manomètre idéal, formé d’un fluide incompressible, ayant partout même température, soumis en tout point de sa surface libre à une pression atmosphérique indépendante de la hauteur ; entre ce schéma trop simple et la réalité, le disparate serait trop grand et, partant, la précision de l’expérience serait insuffisante. Alors il conçoit un nouveau manomètre idéal, plus compliqué que le premier, mais représentant mieux le manomètre réel et concret ; il compose ce nouveau manomètre avec un fluide compressible ; il admet que la température varie d’un point à l’autre ; il admet également que la pression barométrique change lorsqu’on s’élève dans l’atmosphère ; toutes ces retouches au schéma primitif constituent autant de corrections : correction relative à la compressibilité du mercure, correction relative à l’inégal échauffement de la colonne mercurielle, correction de Laplace relative à la hauteur barométrique ;