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l’expérience de physique

nomènes, nous parlons la même langue et nous pouvons nous entendre. Mais il n’en est pas toujours ainsi ; il n’en est pas ainsi lorsque nous discutons les expériences d’un physicien qui n’appartient pas à la même École que nous ; il n’en est pas ainsi, surtout, lorsque nous discutons les expériences d’un physicien que cinquante ans, qu’un siècle, que deux siècles séparent de nous. Il nous faut alors chercher à établir une correspondance entre les idées théoriques de l’auteur que nous étudions et les nôtres ; interpréter à nouveau, au moyen des symboles dont nous usons, ce qu’il avait interprété au moyen des symboles qu’il acceptait ; si nous y parvenons, la discussion de son expérience deviendra possible ; cette expérience sera un témoignage rendu dans une langue étrangère à la nôtre, mais dans une langue dont nous possédons le vocabulaire ; nous pouvons le traduire et l’examiner.

Newton, par exemple, avait fait certaines observations touchant le phénomène des anneaux colorés ; ces observations, il les avait interprétées dans la théorie optique qu’il avait créée, dans la théorie de l’émission ; il les avait interprétées comme donnant, pour les corpuscules lumineux de chaque couleur, la distance entre un accès de facile réflexion et un accès de facile transmission. Lorsque Young et Fresnel ramenèrent au jour la théorie des ondulations pour la substituer à la théorie de l’émission, il leur fut possible de faire correspondre certains éléments de la nouvelle théorie à certains éléments de l’ancienne ; ils virent, en particulier, que la distance entre un accès de facile réflexion et un accès de facile transmission correspondait au quart de ce que la nouvelle théorie appelait