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la structure de la théorie physique

longueur d’onde ; grâce à cette remarque, les résultats des expériences de Newton purent être traduits dans le langage des ondulations ; les nombres qu’avait obtenus Newton, multipliés par 4, donnèrent les longueurs d’onde des diverses couleurs.

De la même manière, Biot avait fait, sur la polarisation de la lumière, un très grand nombre d’expériences minutieuses ; il les avait interprétées dans le système de l’émission ; Fresnel put les traduire dans le langage de la théorie des ondulations et les employer au contrôle de cette théorie.

Si, au contraire, nous ne pouvons obtenir de renseignements suffisants sur les idées théoriques du physicien dont nous discutons l’expérience, si nous ne parvenons pas à établir une correspondance entre les symboles qu’il a adoptés et les symboles que nous fournissent les théories que nous acceptons, les propositions par lesquelles ce physicien a traduit les résultats de ses expériences ne seront pour nous ni vraies, ni fausses ; elles seront dénuées de sens, elles seront lettre morte ; elles seront à nos yeux ce que des inscriptions étrusques ou ligures sont aux yeux de l’épigraphiste : des documents écrits dans une langue que nous ne savons pas lire. Que d’observations, accumulées par les physiciens d’autrefois, sont ainsi perdues à tout jamais ! Leurs auteurs ont négligé de nous renseigner sur les méthodes qui leur servaient à interpréter les faits ; il nous est impossible de transposer leurs interprétations dans nos théories ; ils ont enfermé leurs idées sous des signes dont nous n’avons pas la clef.

Ces premières règles sembleront peut-être naïves,