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la structure de la théorie physique

fait entraîne, dès lors, l’indétermination de la formule qui doit réunir tous ces symboles ; à un même ensemble de faits, on peut faire correspondre une infinité de formules différentes, une infmité de lois physiques distinctes ; chacune de ces lois, pour être acceptée, doit faire correspondre à chaque fait non pas le symbole de ce fait, mais l’un quelconque des symboles, en nombre infini, qui peuvent représenter ce fait ; voilà ce qu’on entend dire lorsqu’on déclare que les lois de la Physique ne sont qu’approchées.

Imaginons, par exemple, que nous ne puissions nous contenter des renseignements fournis par cette loi de sens commun : à Paris, le soleil se lève chaque jour à l’orient, monte dans le ciel, puis descend et se couche à l’occident ; nous nous adressons aux sciences physiques pour avoir une loi précise du mouvement du soleil vu de Paris, une loi indiquant à l’observateur parisien quelle situation le soleil occupe à chaque instant dans le ciel. Les sciences physiques, pour résoudre le problème, vont faire usage non pas de réalités sensibles, du soleil tel que nous le voyons briller dans le ciel, mais des symboles par lesquels les théories représentent ces réalités ; le soleil réel, malgré les irrégularités de sa surface, malgré les immenses protubérances qu’elle porte, elles le remplaceront par une sphère géométriquement parfaite, et c’est la position du centre de cette sphère idéale qu’elles vont tâcher de déterminer ; ou plutôt, elles chercheront à déterminer la position qu’occuperait ce point si la réfraction astronomique ne déviait pas les rayons du soleil, si l’aberration annuelle ne modifiait pas la position apparente des astres ; c’est donc bien un symbole