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la loi physique

dans le ciel, puis s’abaisse et se couche à l’occident ; voilà une loi vraie, sans condition, sans restriction. Prenons, au contraire, cet énoncé : La lune est toujours pleine ; voilà une loi fausse. Si la vérité d’une loi de sens commun est mise en question, on pourra répondre à cette question par oui ou par non.

Il n’en est pas de même des lois que la science physique, parvenue à son plein développement, énonce sous forme de propositions mathématiques ; une telle loi est toujours symbolique ; or, un symbole n’est, à proprement parler, ni vrai, ni faux ; il est plus ou moins bien choisi pour signifier la réalité qu’il représente, il la figure d’une manière plus ou moins précise, plus ou moins détaillée ; mais, appliqués à un symbole, les mots vérité, erreur, n’ont plus de sens ; aussi, à celui qui demande si telle loi de Physique est vraie ou fausse, le logicien qui a souci du sens strict des mots sera obligé de répondre : Je ne comprends pas votre question. Commentons cette réponse, qui peut sembler paradoxale, mais dont l’intelligence est nécessaire à celui qui prétend savoir ce qu’est la Physique.

À un fait donné, la méthode expérimentale, telle que la Physique la pratique, fait correspondre non pas un seul jugement symbolique, mais une infinité de jugements symboliques différents ; le degré d’indétermination du symbole est le degré d’approximation de l’expérience en question. Prenons une suite de faits analogues ; pour le physicien, trouver la loi de ces faits, ce sera trouver une formule qui contienne la représentation symbolique de chacun de ces faits ; l’indétermination du symbole qui correspond à chaque