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la structure de la théorie physique

de Physique fait correspondre au fait concret va en diminuant ; beaucoup de jugements symboliques qui eussent été regardés, à une époque, comme représentant bien un fait concret déterminé, ne seront plus acceptés, à une autre époque, comme signifiant ce fait avec une suffisante précision. Par exemple, les astronomes de tel siècle accepteront, pour représenter la position du centre du soleil à un instant donné, toutes les valeurs de la longitude qui ne différeront pas l’une de l’autre de plus de 1’, toutes les valeurs de la latitude qui se resserreront dans un semblable intervalle. Les astronomes du siècle suivant auront des télescopes dont le pouvoir optique sera plus grand, des cercles divisés plus parfaits, des procédés d’observation plus minutieux et plus précis ; ils exigeront alors que les diverses déterminations de la longitude du centre du soleil à un instant donné, que les diverses déterminations de la latitude du même point au même instant, s’accordent à 10" près ; une infinité de déterminations, dont se seraient contentés leurs devanciers, seront rejetées par eux.

Au fur et à mesure que devient plus étroite l’indétermination des résultats d’expérience, l’indétermination des formules qui servent à condenser ces résultats va se resserrant. Un siècle acceptait, comme loi du mouvement du soleil, tout groupe de formules qui donnait, à chaque instant, les coordonnées du centre de cet astre à une minute près ; le siècle suivant imposera à toute loi du mouvement du soleil la condition de lui faire connaître à 10" près les coordonnées du centre du soleil ; une infinité de lois, reçues par le premier siècle, se trouveront ainsi rejetées par le second.