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la loi physique

Ce caractère provisoire des lois de la Physique se manifeste à chaque instant lorsqu’on suit l’histoire de cette science. Pour Dulong et Arago et pour leurs contemporains, la loi de Mariotte était une forme acceptable de la loi de compressibilité des gaz, parce qu’elle représentait les faits d’expérience avec des écarts qui demeuraient inférieurs aux erreurs possibles des procédés d’observation dont ils disposaient ; lorsque Regnault eut perfectionné les appareils et les méthodes expérimentales, la loi de Mariotte dut être rejetée ; les écarts qui séparaient ses indications des résultats de l’observation étaient beaucoup plus grands que les incertitudes dont demeuraient affectés les nouveaux appareils.

Or, de deux physiciens contemporains, le premier peut se trouver dans les conditions où se trouvait Regnault, tandis que le second se trouve encore dans les conditions où se trouvaient Dulvug et Arago ; le premier possède des appareils très précis, il se propose de faire des observations très exactes ; le second ne possède que des instruments grossiers et, d’ailleurs, les recherches qu’il poursuit ne réclament pas une grande approximation ; la loi de Mariotte sera acceptée par celui-ci et rejetée par celui-là.

Il y a plus ; on peut voir une même loi de Physique simultanément adoptée et rejetée par le même physicien au cours du même travail ; si une loi de Physique pouvait être dite vraie ou fausse, ce serait là un étrange paralogisme ; une même proposition y serait affirmée et niée en même temps, ce qui constitue la contradiction formelle.

Regnault, par exemple, poursuit, au sujet de la