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la théorie physique et l’expérience

celui qui admettrait la proposition contradictoire de celle-là ; on sait quel parti les géomètres grecs ont tiré de ce mode de démonstration.

Ceux qui assimilent la contradiction expérimentale à la réduction à l’absurde pensent que l’on peut, en Physique, user d’un argument semblable à celui dont Euclide a fait un si fréquent usage en Géométrie. Voulez-vous obtenir d’un groupe de phénomènes une explication théorique certaine, incontestable ? Énumérez toutes les hypothèses que l’on peut faire pour rendre compte de ce groupe de phénomènes ; puis, par la contradiction expérimentale, éliminez-les toutes, sauf une ; cette dernière cessera d’être une hypothèse pour devenir une certitude.

Supposez, en particulier, que deux hypothèses seulement soient en présence ; cherchez des conditions expérimentales telles que l’une des hypothèses annonce la production d’un phénomène et l’autre la production d’un phénomène tout différent ; réalisez ces conditions et observez ce qui se passe ; selon que vous observerez le premier des phénomènes prévus ou le second, vous condamnerez la seconde hypothèse ou la première ; celle qui ne sera pas condamnée sera désormais incontestable ; le débat sera tranché, une vérité nouvelle sera acquise à la Science. Telle est la preuve expérimentale que l’auteur du Novum Organum a nommée « fait de la croix, en empruntant cette expression aux croix qui, au coin des routes, indiquent les divers chemins ».

Deux hypothèses sont en présence touchant la nature de la lumière : pour Newton, pour Laplace, pour Biot, la lumière consiste en projectiles lancés avec une