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la structure de la théorie physique

l’ajuster, que la solidité en ait été minutieusement contrôlée ; la science physique, c’est un système que l’on doit prendre tout entier ; c’est un organisme dont on ne peut faire fonctionner une partie sans que les parties les plus éloignées de celle-là entrent en jeu, les unes plus, les autres moins, toutes à quelque degré ; si quelque gêne, quelque malaise se révèle dans son fonctionnement, c’est par l’effet produit sur le système tout entier que le physicien devra deviner l’organe qui a besoin d’être redressé ou modifié, sans qu’il lui soit possible d’isoler cet organe et de l’examiner à part. L’horloger auquel on donne une montre qui ne marche pas en sépare tous les rouages et les examine un à un jusqu’à ce qu’il ait trouvé celui qui est faussé ou brisé ; le médecin auquel on présente un malade ne peut le disséquer pour établir son diagnostic ; il doit deviner le siège et la cause du mal par la seule inspection des désordres qui affectent le corps entier ; c’est à celui-ci, non à celui-là, que ressemble le physicien chargé de redresser une théorie boiteuse.


§ III. — L’ « Experimentum crucis » est impossible en Physique.

Insistons encore, car nous touchons à l’un des points essentiels de la méthode expérimentale telle qu’elle est employée en Physique.

La réduction à l’absurde, qui semble n’être qu’un moyen de réfutation, peut devenir une méthode de démonstration ; pour démontrer qu’une proposition est vraie, il suffit d’acculer à une conséquence absurde