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la théorie physique et l’expérience

une portée aussi décisive ; ce n’est pas entre deux hypothèses, l’hypothèse de l’émission et l’hypothèse des ondulations, que tranche l’expérience de Foucault ; c’est entre deux ensembles théoriques, dont chacun doit être pris en bloc, entre deux systèmes complets, l’Optique de Newton et l’Optique d’Huygens.

Mais admettons, pour un instant, que, dans chacun de ces systèmes, tout soit forcé, tout soit nécessaire de nécessité logique, sauf une seule hypothèse ; admettons, par conséquent, que les faits, en condamnant l’un des deux systèmes, condamnent à coup sûr la seule supposition douteuse qu’il renferme. En résulte-t-il que l’on puisse trouver dans l’experimentum crucis un procédé irréfutable pour transformer en vérité démontrée l’une des deux hypothèses en présence, de même que la réduction à l’absurde d’une proposition géométrique confère la certitude à la proposition contradictoire ? Entre deux théorèmes de Géométrie qui sont contradictoires entre eux, il n’y a pas place pour un troisième jugement ; si l’un est faux, l’autre est nécessairement vrai. Deux hypothèses de Physique constituent-elles jamais un dilemme aussi rigoureux ? Oserons-nous jamais affirmer qu’aucune autre hypothèse n’est imaginable ? La lumière peut être une rafale de projectiles ; elle peut être un mouvement vibratoire dont un milieu élastique propage les ondes ; lui est-il interdit d’être quoi que ce soit d’autre ? Arago le pensait sans doute, lorsqu’il formulait cette tranchante alternative : La lumière se meut-elle plus vite dans l’eau que dans l’air ? « La lumière est un corps. Le contraire a-t-il lieu ? La lumière est une ondulation. » Mais il nous serait difficile de nous