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la structure de la théorie physique

il lui faut prouver que sa théorie, incompatible avec l’exactitude de ces lois, soumet les mouvements des planètes et des satellites à d’autres lois assez peu différentes des premières pour que Tycho-Brahé, Képler et leurs contemporains n’aient pu discerner les écarts qui distinguent les orbites képlériennes des orbites newtoniennes ; cette preuve se tire de ces circonstances que la masse du Soleil est très considérable par rapport aux masses des diverses planètes, que la masse d’une planète est très considérable par rapport aux masses de ses satellites.

Si donc la certitude de la théorie de Newton n’est pas une émanation de la certitude des lois de Kepler, comment cette théorie prouvera-t-elle qu’elle est valable ? Elle calculera, avec toute l’approximation que comportent des méthodes algébriques sans cesse perfectionnées, les perturbations qui écartent, à chaque instant, chacun des astres de l’orbite que lui assigneraient les lois de Kepler ; puis elle comparera les perturbations calculées aux perturbations qui ont été observées au moyen des instruments les plus précis et les méthodes les plus minutieuses. Une telle comparaison ne portera point seulement sur telle ou telle partie du principe newtonien ; elle en invoquera toutes les parties à la fois ; avec lui, elle invoquera aussi tous les principes de la Dynamique ; en outre, elle appellera à son aide toutes les propositions d’Optique, de Statique des gaz, de Théorie de la chaleur, qui sont nécessaires pour justifier les propriétés des télescopes, pour les construire, pour les régler, pour les corriger, pour éliminer les erreurs causées par l’aberration diurne ou annuelle et par la réfraction atmosphérique. Il ne s’agit