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la structure de la théorie physique

« Observer d’abord les faits, en varier les circonstances autant qu’il est possible, accompagner ce premier travail de mesures précises pour en déduire des lois générales, uniquement fondées sur l’expérience, et déduire de ces lois, indépendamment de toute hypothèse sur la nature des forces qui produisent les phénomènes, la valeur mathématique de ces forces, c’est-à-dire la formule qui les représente, telle est la marche qu’a suivie Newton. Elle a été, en général, adoptée en France par les savants auxquels la Physique doit les immenses progrès qu’elle a faits dans ces derniers temps, et c’est elle qui m’a servi de guide dans toutes mes recherches sur les phénomènes électrodynamiques. J’ai consulté uniquement l’expérience pour établir les lois de ces phénomènes, et j’en ai déduit la formule qui peut seule représenter les forces auxquelles ils sont dus ; je n’ai fait aucune recherche sur la cause même qu’on peut assigner à ces forces, bien convaincu que toute recherche de ce genre doit être précédée de la connaissance purement expérimentale des lois, et de la détermination, uniquement déduite de ces lois, de la valeur de la force élémentaire. »

Il n’est pas besoin d’une critique bien attentive ni bien perspicace pour reconnaître que la Théorie mathématique des phénomènes électrodynamiques ne procède nullement suivant la méthode qu’Ampère lui assigne, qu’elle n’est pas uniquement déduite de l’expérience. Les faits d’expérience, pris dans leur brutalité native, ne sauraient servir au raisonnement mathématique ; pour alimenter ce raisonnement, ils doivent être transformés et mis sous forme symbolique. Cette transformation, Ampère la leur fait subir. Il ne se contente