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la théorie physique et l’expérience

deviendra vrai si l’on fait choix d’un autre terme de comparaison, et l’on sera toujours libre de choisir ce dernier. Si la loi de l’inertie énoncée en prenant la Terre pour repère est contredite par une observation, on lui substituera la loi de l’inertie dont l’énoncé rapporte les mouvements au Soleil ; si celle-ci à son tour est controuvée, on remplacera dans l’énoncé le Soleil par le système des étoiles fixes, et ainsi de suite. Il est impossible de fermer cette échappatoire.

Le principe de l’égalité entre l’action et la réaction, longuement analysé par M. Poincaré[1], donne lieu à des remarques analogues. Ce principe peut s’énoncer ainsi :

« Le centre de gravité d’un système isolé ne peut avoir qu’un mouvement rectiligne et uniforme. »

C’est ce principe que nous nous proposons de vérifier par l’expérience. « Pouvons-nous faire cette vérification ? Pour cela, il faudrait qu’il existât des systèmes isolés ; or, ces systèmes n’existent pas ; le seul système isolé, c’est l’Univers entier. »

« Mais nous ne pouvons observer que des mouvements relatifs ; le mouvement absolu du centre de gravité de l’Univers nous sera donc à tout jamais inconnu ; nous ne pourrons jamais savoir s’il est rectiligne et uniforme, ou, pour mieux dire, la question n’a aucun sens. Quels que soient les faits que nous observions, nous resterons donc toujours libres de supposer que notre principe est vrai. »

Ainsi maint principe de la Mécanique a une forme telle qu’il est absurde de se demander : Ce principe

  1. H. Poincaré, loc. cit., pp. 472 et seqq.