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le choix des hypothèses

bile, étranger aux sollicitations des doctrines passées et aux contradictions des expériences présentes, aurait usé, pour formuler ses hypothèses, de toute la liberté que la logique lui concède.

Nous ne saurions exposer ici, avec quelque détail, l’histoire des efforts par lesquels l’humanité a préparé la mémorable découverte de l’attraction universelle ; un volume y suffirait à peine ; du moins voudrions-nous l’esquisser à grands traits, afin de montrer par quelles vicissitudes cette hypothèse fondamentale a passé avant de se formuler clairement.

Aussitôt que l’homme a songé à étudier le monde physique, une classe de phénomènes a dû, par sa généralité et son importance, solliciter son attention ; la pesanteur a dû être l’objet des premières méditations des physiciens.

Ne nous attardons point à rappeler ce que les philosophes de l’antique Hellade ont pu dire du grave et du léger ; prenons comme point de départ de l’histoire que nous voulons parcourir la Physique enseignée par Aristote ; d’ailleurs, de l’évolution, depuis longtemps ébauchée, mais que nous suivons seulement à partir de ce point, ne retenons que ce qui prépare la théorie newtonienne, en négligeant systématiquement tout ce qui ne tend point à ce but.

Pour Aristote, tous les corps sont des mixtes que composent, en proportions diverses, les quatre éléments, la terre, l’eau, l’air et le feu ; de ces quatre éléments, les trois premiers sont lourds ; la terre est plus lourde que l’eau, qui l’est plus que l’air ; le feu seul est léger ; les mixtes sont plus ou moins lourds ou légers selon la proportion des éléments qui les forment.