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le choix des hypothèses

Scolastique occidentale, répugnaient fort aux explications où l’on invoquait des puissanccs occultes, inaccessibles aux sens ; l’action de l’aimant sur le fer était à peu près la seule de ces vertus mystérieuses qu’ils consentissent à accueillir ; ils n’admettaient point que les astres pussent exercer quelque influence qui ne découlât de leur mouvement ou de leur lumière. C’est donc à la lumière de la Lune, à la chaleur que cette lumière peut engendrer, aux courants que cette chaleur peut déterminer dans l’atmosphère, à l’ébullition qu’elle peut produire au sein des eaux marines qu’Avicenne, Averroës, Robert Grosse-Teste, Albert le Grand, Roger Racon, demandent l’explication du flux et du reflux.

Explication bien caduque et que ruinaient d’avance de trop palpables objections. Déjà Albumasar avait observé que la lumière de la Lune n’était pour rien dans le flux de l’Océan, puisque ce flux se produit aussi bien en la nouvelle Lune qu’en la pleine Lune, puisqu’il a lieu également que la Lune soit au zénith ou au nadir. L’explication, quelque peu puérile, que Robert Grosse-Teste avait proposée pour lever cette dernière objection, ne pouvait, malgré le suffrage enthousiaste de Roger Bacon, ruiner l’argumentation d’Albumasar. Dès le xiiie siècle, les meilleurs parmi les Scolastiques, saint Thomas d’Aquin entre autres, admettaient la possibilité d’influences astrales distinctes de la lumière ; dès ce moment, Guillaume d’Auvergne, en son écrit De Universo, comparait l’action de la Lune sur les eaux de la mer à l’action de l’aimant sur le fer.

La théorie aimantique des marées est connue des grands physiciens qui, au milieu du xive siècle siècle, illus-