Page:Duhem - La Théorie physique, 1906.djvu/43

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La théorie, au contraire, en développant les ramifications nombreuses du raisonnement déductif qui relie les principes aux lois expérimentales, établit parmi celles-ci un ordre et une classification ; il en est qu’elle réunit, étroitement serrées, dans un même groupe ; il en est qu’elle sépare les unes des autres et qu’elle place en deux groupes extrêmement éloignés ; elle donne, pour ainsi parler, la table et les titres des chapitres entre lesquels se partagera méthodiquement la science à étudier ; elle marque les lois qui doivent se ranger en chacun de ces chapitres.

Ainsi, près des lois qui régissent le spectre fourni par un prisme, elle range les lois auxquelles obéissent les couleurs de l’arc-en-ciel ; mais les lois selon lesquelles se succèdent les teintes des anneaux de Newton vont, en une autre région, rejoindre les lois des franges découvertes par Young et par Fresnel ; en une autre catégorie, les élégantes colorations analysées par Grimaldi sont considérées comme parentes des spectres de diffraction produits par Fraunhöfer. Les lois de tous ces phénomènes que leurs éclatantes couleurs confondaient les uns avec les autres aux yeux du simple observateur sont, par les soins du théoricien, classées et ordonnées.

Des connaissances classées sont des connaissances d’un emploi commode et d’un usage sûr. Dans ces cases méthodiques où gisent côte à côte les outils qui ont un même but, dont les cloisons séparent rigoureusement les instruments qui ne s’accommodent pas à la même besogne, la main de l’ouvrier saisit rapidement, sans tâtonnement, sans méprise, l’outil qu’il faut. Grâce à la théorie, le physicien trouve avec certitude, sans rien