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l’objet de la théorie physique

omettre d’utile, sans rien employer de superflu, les lois qui lui peuvent servir à résoudre un problème donné.

Partout où l’ordre règne, il amène avec lui la beauté ; la théorie ne rend donc pas seulement l’ensemble des lois physiques qu’elle représente plus aisé à manier, plus commode, plus utile ; elle le rend aussi plus beau.

Il est impossible de suivre la marche d’une des grandes théories de la Physique, de la voir dérouler majestueusement, à partir des premières hypothèses, ses déductions régulières ; de voir ses conséquences représenter, jusque dans le moindre détail, une foule de lois expérimentales, sans être séduit par la beauté d’une semblable construction, sans éprouver vivement qu’une telle création de l’esprit humain est vraiment une œuvre d’art.



§ IV. — La théorie tend à se transformer en une classification naturelle[1].

Cette émotion esthétique n’est pas le seul sentiment que provoque une théorie parvenue à un haut degré de perfection. Elle nous persuade encore de voir en elle une classification naturelle.

Et d’abord, qu’est-ce qu’une classification naturelle ? Qu’est-ce, par exemple, qu’un naturaliste entend dire en proposant une classification naturelle des vertébrés ?

  1. Nous avons déjà marqué la classification naturelle comme la forme idéale vers laquelle doit tendre la théorie physique dans L’École anglaise et les théories physiques, art. 6 (Revue des questions scientifiques, octobre 1893).