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la structure de la théorie physique

gation de la chaleur, d’admirables occasions d’user des mêmes procédés. Les phénomènes électrodynamiques et électromagnétiques pouvaient se manifester aux physiciens et aux géomètres ; ceux-ci étaient armés pour s’en emparer et les réduire en théorie.

La contemplation d’un ensemble de lois d’expérience ne suffit donc pas à suggérer au physicien quelles hypothèses il doit choisir pour donner de ces lois une représentation théorique ; il faut encore que les pensées habituelles à ceux au milieu desquels il vit, que les tendances imprimées à son propre esprit par ses études antérieures viennent le guider et restreindre la latitude trop grande que les lois de la logique laissent à ses démarches. Combien de parties de la Physique gardent, jusqu’à ce jour, la forme purement empirique, attendant que les circonstances préparent le génie d’un physicien à concevoir les hypothèses qui les organiseront en théorie !

En revanche, quand les progrès de la science universelle ont suffisamment préparé les esprits à la recevoir, la théorie naît d’une manière presque forcée ; et, bien souvent, des physiciens qui ne se connaissent pas, qui poursuivent leurs méditations bien loin les uns des autres, l’enfantent presque en même temps ; on dirait que l’idée flotte dans l’air, portée d’un pays à l’autre par le vent qui souffle, prête à féconder tout génie qui est en état de l’accueillir et de la développer, semblable au pollen qui engendre un fruit partout où il rencontre un calyce mûr.

Sans cesse, au cours de ses études, l’historien des sciences a l’occasion d’observer cette poussée simultanée, en des terres éloignées les unes des autres, d’une