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la structure de la théorie physique

de ce genre ; en effet, si l’on rend un corps libre de tout empêchement, elle le tire du repos pour le faire tomber et lui communique un mouvement de descente qui s’accélère sans cesse.

« Corollaire. Tout corps abandonné à lui-même demeure en repos ou se meut d’un mouvement rectiligne et uniforme. Toutes les fois donc qu’il advient à un corps libre, qui était en repos, de se mettre en mouvement, ou bien de se mouvoir d’un mouvement non uniforme, ou d’un mouvement non rectiligne, la cause en doit être attribuée à une certaine puissance ; car tout ce qui peut déranger un corps de son mouvement, nous l’appelons puissance. »

Euler nous présente cette phrase : « La puissance est la force qui met un corps en mouvement ou qui altère son mouvement ». comme une définition. Que faut-il entendre par là ? Euler veut-il, destituant le mot puissance de tout sens antérieurement acquis, donner une simple définition de nom, dont rien ne limite l’arbitraire ? Dans ce cas, la déduction qu’il déroule à nos yeux sera d’une impeccable logique ; mais elle sera une simple construction de syllogismes, sans aucun contact avec la réalité. Ce n’est point là l’œuvre qu’Euler a entendu accomplir ; il est clair qu’en énonçant la phrase que nous rapportions tout à l’heure, il a pris le mot puissance ou force au sens qu’il a dans le langage courant et non scientifique ; l’exemple de la pesanteur, immédiatement cité, nous en est un sûr garant ; c’est, d’ailleurs, parce qu’il attribue au mot puissance, non pas un sens nouveau et arbitrairement défini, mais le sens que tout le monde y attache, qu’Euler peut emprunter à ses prédécesseurs,