Page:Duhem - La Théorie physique, 1906.djvu/445

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
435
le choix des hypothèses

efforts les plus longs, les plus persévérants que nous fasse connaître l’histoire de l’esprit humain ; il a fallu qu’Alexandre d’Aphrodisias, Themistius, Simplicius, Albert de Saxe, Nicolas de Gus, Léonard de Vinci, Cardan, Tartalea, Jules César Scaliger, Jean-Baptiste Benedetti, frayassent la voie à Galilée, à Descartes, à Beeckman et à Gassendi.

Ainsi les propositions qu’Euler regarde comme des axiomes dont l’évidence s’impose à nous et sur lesquelles il veut fonder une Dynamique non seulement vraie, mais nécessaire, ce sont, en réalité, des propositions que la Dynamique seule nous a enseignées et qu’elle a très lentement, très péniblement, substituées aux fausses évidences du sens commun.

Le cercle vicieux dans lequel tourne la déduction d’Euler ne saurait être évité par ceux qui pensent justifier les hypothèses sur lesquelles repose une théorie physique au moyen d’axiomes de consentement universel ; les prétendus axiomes qu’ils invoquent ont été tirés des lois mêmes qu’ils en voudraient déduire[1].

Il est donc tout à fait illusoire de vouloir prendre les enseignements du sens commun comme fondement des hypothèses qui doivent porter la Physique théorique. À suivre une telle marche, ce n’est pas la Dynamique de Descartes et de Newton que l’on atteint mais la Dynamique d’Aristote.

Ce n’est pas que les enseignements du sens commun

  1. Le lecteur pourra rapprocher ce que nous venons de dire des critiques adressées par M. E. Mach à la démonstration, proposée par Daniel Bernoulli, pour justifier la règle du parallélogramme des forces. [Ernst Mach : La Mécanique, exposé historique et critique de son développement, Paris, 1904, p. 45.)