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la structure de la théorie physique

rieure, due à l’emprunt, fait par la Physique, du langage mathématique, ces deux méthodes se montraient profondément différentes ; à la distinction de ces deux méthodes il nous faut encore revenir.

La plupart des idées abstraites et générales qui naissent spontanément en nous, à l’occasion de nos perceptions, sont des conceptions complexes et inanalysées ; il en est, cependant, qui, presque sans effort, se montrent claires et simples ; ce sont les diverses idées qui se groupent autour des notions de nombre et de figure ; l’expérience vulgaire nous conduit à relier ces idées par des lois qui, d’une part, ont la certitude immédiate des jugements du sens commun, et qui, d’autre part, ont une netteté et une précision extrêmes. Il a donc été possible de prendre un certain nombre de ces jugements pour prémisses de déductions où l’incontestable vérité de la connaissance commune se trouvait inséparablement unie à la clarté parfaite des enchaînements de syllogismes. Ainsi se sont constituées l’Arithmétique et la Géométrie.

Mais les sciences mathématiques sont des sciences très exceptionnelles ; elles seules ont ce bonheur de traiter d’idées qui jaillissent de nos quotidiennes perceptions par un travail spontané d’abstraction et de généralisation, et qui, cependant, se montrent de suite nettes, pures et simples.

Ce bonheur est refusé à la Physique. Les notions, fournies par les perceptions, dont elle a à traiter, sont des notions infiniment confuses et complexes, dont l’étude exige un long et pénible travail d’analyse ; les hommes de génie qui ont créé la Physique théorique ont compris que, pour mettre dans ce travail de l’ordre et de la clarté, il fallait demander ces qualités