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le choix des hypothèses

trême différence de nature qui sépare ces deux sortes de propositions ; il est absurde de penser que les secondes se relient aux premières comme le corollaire au théorème.

C’est en ordre inverse que doit se faire le passage des hypothèses de la Physique aux lois de sens commun ; de l’ensemble des hypothèses simples qui servent de bases aux théories physiques se tireront des conséquences plus ou moins lointaines, et celles-ci fourniront une représentation schématique des lois que nous révèle l’expérience vulgaire ; plus les théories seront parfaites, plus cette représentation sera compliquée ; et cependant, les observations vulgaires qu’elle doit figurer la surpasseront toujours infiniment en complexité ; bien loin que l’on puisse tirer la Dynamique des lois que le sens commun a connues en regardant rouler une voiture tirée par un cheval, toutes les ressources de la Dynamique suffisent à peine à nous donner une image très simplifiée du mouvement de cette voiture.

Le dessein de tirer des connaissances du sens commun la démonstration des hypothèses sur lesquelles reposent les théories physiques a pour mobile le désir de construire la Physique à l’imitation de la Géométrie ; en effet, les axiomes d’où la Géométrie se tire avec une si parfaite rigueur, les demandes qu’Euclide formule au début de ses Éléments sont des propositions dont le sens commun affirme l’évidente vérité. Mais nous avons vu, à plusieurs reprises, combien il était dangereux d’établir un rapprochement entre la méthode mathématique et la méthode que suivent les théories physiques ; combien, sous une ressemblance tout exté-