Page:Duhem - La Théorie physique, 1906.djvu/47

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Le physicien, qui voit en toute théorie une explication, est convaincu qu’il a saisi dans la vibration lumineuse le fond propre et intime de la qualité que nos sens nous manifestent sous forme de lumière et de couleur ; il croit à un corps, l’éther, dont les diverses parties sont animées, par cette vibration, d’un rapide mouvement de va-et-vient.

Certes, nous ne partageons pas ces illusions. Lorsqu’au cours d’une théorie optique, nous parlons encore de vibration lumineuse, nous ne songeons plus à un véritable mouvement de va-et-vient d’un corps réel ; nous imaginons seulement une grandeur abstraite, une pure expression géométrique dont la longueur, périodiquement variable, nous sert à énoncer les hypothèses de l’Optique, à retrouver, par des calculs réguliers, les lois expérimentales qui régissent la lumière. Cette vibration est pour nous une représentation et non pas une explication.

Mais lorsqu’après de longs tâtonnements, nous sommes parvenus à formuler, à l’aide de cette vibration, un corps d’hypothèses fondamentales ; lorsque nous voyons, sur le plan tracé par ces hypothèses, l’immense domaine de l’Optique, jusque-là si touffu et si confus, s’ordonner et s’organiser, il nous est impossible de croire que cet ordre et que cette organisation ne soient pas l’image d’un ordre et d’une organisation réels ; que les phénomènes qui se trouvent, par la théorie, rapprochés les uns des autres, comme les franges d’interférence et les colorations des lames minces, ne soient pas en vérité des manifestations peu différentes d’un même attribut de la lumière ; que les phénomènes séparés par la théorie, comme les spectres de diffraction et les spectres de dispersion, n’aient