Page:Duhem - La Théorie physique, 1906.djvu/46

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genres, reproduisent les ramifications de l’arbre généalogique par lequel les vertébrés divers sont issus d’une même souche. Ces rapports de parenté réelle, de filiation, la seule Anatomie comparée ne saurait les atteindre ; les saisir en eux-mêmes, les mettre en évidence est affaire de Physiologie et de Paléontologie. Cependant, lorsqu’il contemple l’ordre que ses procédés de comparaison introduisent en la foule confuse des animaux, l’anatomiste ne peut pas ne pas affirmer ces rapports, dont la preuve est transcendante à ses méthodes. Et si la Physiologie et la Paléontologie lui démontraient un jour que la parenté imaginée par lui ne peut être, que l’hypothèse transformiste est controuvée, il continuerait à croire que le plan tracé par sa classification figure entre les animaux des rapports réels ; il avouerait s’être trompé sur la nature de ces rapports, mais non sur leur existence.

L’aisance avec laquelle chaque loi expérimentale trouve sa place dans la classification créée par le physicien, la clarté éblouissante qui se répand sur cet ensemble si parfaitement ordonné, nous persuadent d’une manière invincible qu’une telle classification n’est pas purement artificielle, qu’un tel ordre ne résulte pas d’un groupement purement arbitraire imposé aux lois par un organisateur ingénieux. Sans pouvoir rendre compte de notre conviction, mais aussi sans pouvoir nous en dégager, nous voyons dans l’exacte ordonnance de ce système la marque à laquelle se reconnaît une classification naturelle ; sans prétendre expliquer la réalité qui se cache sous les phénomènes dont nous groupons les lois, nous sentons que les groupements établis par notre théorie correspondent à des affinités réelles entre les choses mêmes.