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l’objet de la théorie physique

voyions la théorie chimique écrire d’avance les formules d’une multitude de corps et, docile à ces indications, la synthèse réaliser une foule de substances dont, avant même qu’elles ne fussent, nous connaissions la composition et mainte propriété.

De même que les synthèses annoncées d’avance consacrent la notation chimique comme classification naturelle, de même, la théorie physique prouvera qu’elle est le reflet d’un ordre réel en devançant l’observation.

Or, l’histoire de la Physique nous fournit une foule d’exemples de cette clairvoyante divination ; maintes fois, une théorie a prévu des lois non encore observées, voire des lois qui paraissaient invraisemblables, provoquant l’expérimentateur à les découvrir et le guidant vers cette découverte.

L’Académie des Sciences avait proposé au concours, pour le prix de Physique qu’elle devait décerner dans la séance publique du mois de mars 1819, l’examen général des phénomènes de la diffraction de la lumière ; des deux mémoires présentés, l’un, celui qui fut couronné, avait Fresnel pour auteur ; Biot, Arago, Laplace, Gay-Lussac et Poisson composaient la commission.

Des principes posés par Fresnel, Poisson, par une élégante analyse, déduisit cette conséquence étrange : Si un petit écran opaque et circulaire intercepte les rayons émis par un point lumineux, il existe derrière l’écran, sur l’axe même de cet écran, des points qui non seulement sont éclairés, mais qui brillent exactement comme si l’écran n’était pas interposé entre eux et la source de lumière.