Or, cette preuve, non seulement il n’est pas possible de la donner, mais encore une étude, même superficielle, de l’histoire de la Physique fournit, en abondance, des arguments qui concluent en sens contraire.
Lorsqu’on analyse une théorie créée par un physicien qui se propose d’expliquer les apparences sensibles, on ne tarde pas, en général, à reconnaître que cette théorie est formée de deux parties bien distinctes : l’une est la partie simplement représentative qui se propose de classer les lois ; l’autre est la partie explicative qui se propose, au-dessous des phénomènes, de saisir la réalité.
Or, bien loin que la partie explicative soit la raison d’être de la partie représentative, la graine d’où elle est issue ou la racine qui alimente son développement, le lien entre les deux parties est presque toujours des plus frêles et des plus artificiels. La partie descriptive s’est développée, pour son compte, par les méthodes propres et autonomes de la Physique théorique ; à cet organisme pleinement formé, la partie explicative est venue s’accoler comme un parasite.
Ce n’est pas à cette partie explicative parasite que la théorie doit sa puissance et sa fécondité ; loin de là. Tout ce que la théorie contient de bon, ce par quoi elle apparaît comme classification naturelle, ce qui lui confère le pouvoir de devancer l’expérience se trouve dans la partie représentative ; tout cela a été découvert par le physicien lorsqu’il oubliait la recherche de l’explication. Au contraire, ce que la théorie contient de faux, ce qui sera contredit par les faits, se trouve surtout dans la partie explicative ; le physicien l’y a introduit, guidé par son désir de saisir les réalités.