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Page:Duhem - La Théorie physique, 1906.djvu/58

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l’objet de la théorie physique

Et de là cette conséquence : Lorsque les progrès de la Physique expérimentale mettent la théorie en défaut, lorsqu’ils obligent à la modifier, à la transformer, la partie purement représentative entre presque entière dans la théorie nouvelle, lui apportant l’héritage de tout ce que l’ancienne théorie possédait de plus précieux, tandis que la partie explicative tombe pour faire place à une autre explication.

Ainsi, par une tradition continue, chaque théorie physique passe à celle qui la suit la part de classification naturelle qu’elle a pu construire, comme, en certains jeux antiques, chaque coureur tendait le flambeau allumé au coureur qui venait après lui ; et cette tradition continue assure à la science une perpétuité de vie et de progrès.

Cette continuité de la tradition est masquée aux yeux de l’observateur superficiel par le fracas incessant des explications qui ne surgissent que pour s’écrouler.

Tout ce que nous venons de dire, appuyons-le de quelques exemples. Ils nous seront fournis par les théories auxquelles a donné lieu la réfraction de la lumière. Nous les emprunterons à ces théories non point parce qu’elles sont exceptionnellement favorables à notre thèse, mais au contraire parce que les personnes qui étudient superficiellement l’histoire de la Physique pourraient penser que ces théories doivent leurs principaux progrès à la recherche des explications.

Descartes a donné une théorie qui représente les phénomènes de la réfraction simple ; elle fait le principal objet des deux admirables traités de la Dioptrique et